Cyberlearn.hes-so.ch

le « carré humaniste » du travail social :
loi, écoute, sens, collectif
Résumé : dans ses aspects les plus spectaculaires, le « carré humaniste »
apparaît comme un faisceau de réponses à des situations de fuite, d’agres-
sivité, voire de violence des usagers « sensibles », ceux qui cumulent les
indices de vulnérabilité. Mais ce n’est pas que cela. Il s’oppose aux réponses
traditionnelles autoritaires, descendantes, paternalistes et coulées dans le
huis clos du psycho-relationnel. le « praticien chercheur » reste en ques-
tionnement pour trouver des solutions avec d’autres. Afin que l’usager soit
autant que possible un acteur (et non le sujet passif de mesures), nous avons
imaginé la métaphore du pays aux quatre collines. loi, écoute, sens et col-
lectif : quatre pôles qui entrent en résonance, en interaction dynamique. le
but ultime : donner du sens à la vie.

Mots clés : carré humaniste, loi, symbolique des limites, écoute diagnostique et empathique, sens dans l’action, collectif, projet et violence. 1. la métaphore du pays aux quatre collines
Le métier de travailleur social s’est considérablement complexifié en lien avec l’évolution de la société (accroissement de la pauvreté et de l’exclusion, transformation de la cellule familiale, retrait de l’État providence au profit de l’État social actif, ce qui va de pair avec de nouvelles contraintes dans un contexte de réduction des moyens…). Ce n’est pas que les écoles sociales forment moins bien qu’avant, mais les exigences du métier et les situations sociales sont autrement plus complexes.
Face à cette complexité, face aux défis d’aujourd’hui, la culture profession- nelle du travail social ou de l’action sociale doit élargir ses horizons. Dans cette 1 Docteur en sociologie, professeur à la Haute École Louvain-en-Hainaut, chargé de missions au Centre Public d’Action Sociale de Charleroi.
perspective, la métaphore du pays aux quatre collines nous invite à explorer tour à tour quatre pôles de compétence : ceux de la loi, de l’écoute, du sens et du collectif.
Cet article – qui invite à découvrir ce paysage professionnel − émerge quelque part à l’articulation de trois influences : celle d’une expérience profes-sionnelle de plus de vingt-cinq ans dans le domaine du social (au sens large) 2, tant dans le milieu associatif que dans le secteur public, d’une réflexion théo-rique (Pinilla, 1995) 3, ainsi que d’un souci pédagogique de transmission des clés d’interprétation et d’action. Ce texte ne relève donc pas tout à fait de la « masturbation intellectuelle » d’un « chercheur en chambre », pour reprendre des expressions bien connues.
Le concept de « carré humaniste » n’est pas le fruit d’une intuition spon- tanée fulgurante. Loin de là, il est l’aboutissement d’un cheminement naturel, très pragmatique, partant de la pratique professionnelle, de l’expérience pour remonter sur un mode inductif vers les quatre notions ; lesquels font « sys-tème » par leurs interactions. il s’appuie aussi sur un recul plus macrosociolo-gique.
Au départ, c’est avec ma casquette de professeur au sein de l’école sociale que je vais successivement proposer aux étudiants deux « outils » ou « grilles de lecture », à savoir : « les dix péchés de la dame patronnesse » et « le trian-gle humaniste » (Pinilla, 2003).
Le texte sur « la dame patronnesse » naît comme une réponse à la ques- tion de départ : quels repères, indices, signaux d’alarme puis-je donner à mes étudiants – futurs assistants sociaux – pour qu’ils prennent la mesure de leurs erreurs professionnel es ? À partir de là, je conçois une typologie en nommant les dix péchés (dogme et ignorance, absence d’écoute active, conservatisme politique et institutionnel, méfiance vis-à-vis de l’action collective, déficit métho-dologique, paternalisme, attitude moralisatrice, mauvaise distance…). la dame patronnesse connaîtra un réel succès, dès lors que les étudiants ou les profes-sionnels établissent facilement le transfert avec la réalité. En effet, dès lors que cette charmante dame pécheresse induit la fuite, la ruse ou l’agressivité chez l’usager, j’ai repris ce cadrage théorique dans le cadre des modules de forma-tion continuée destinés aux professionnels.
Tandis que « la dame patronnesse » précise ce qu’il ne faut pas faire, « le triangle humaniste » – en quelque sorte son versant complémentaire – pro-pose ce qu’il convient de mettre en application, en particulier, mais pas exclu-sivement, avec des usagers qui cumulent les indices de vulnérabilité. Ainsi naquit le trépied « loi – écoute – sens » qui permet d’analyser la complexité de situations-problèmes, d’incidents critiques en reliant des niveaux logiques complémentaires, mais différents et parfois antagonistes. Ainsi les registres de la loi et de l’écoute ne sont pas toujours compatibles en même temps.
2 Pendant ce quart de siècle, j’ai travaillé comme éducateur, assistant social, cadre intermédiaire, responsable d’institution, enseignant/formateur dans des secteurs comme l’aide à la jeunesse, les handicapés, l’insertion socioprofessionnelle, l’enseignement et les C.P.A.S.
3 Par exemple, ma thèse de doctorat en sociologie a abordé le thème de l’évolution du travail social.
Au fil du temps, je me suis aperçu qu’il manquait un grand absent : le « col- lectif ». il importait de ne pas le diluer dans les trois autres car les lectures individualistes sont dominantes dans notre société et dans l’habitus des tra-vailleurs sociaux. Le paradigme dominant l’action sociale est tourné vers les méthodologies individualisées, mettant en avant prioritairement les approches psycho-relationnelles 4. Les lectures de type politique, institutionnel, sociolo-gique, pédagogique sont sous-estimées voire niées. Du coup, on agit sur les symptômes et pas nécessairement sur les causes structurelles des problè-mes.
Les quatre points cardinaux du « carré humaniste » sont donc la loi (sym- bolique des limites et repères), l’écoute (diagnostique et empathique), le sens (dans l’action et dans le projet) et le collectif (s’ouvrir au groupe et élargir le champ de vision sur un mode panoramique et pluridisciplinaire).
a loi et la symbolique des limites
« C’était un temps que les moins de vingt ans ne pouvaient pas connaître », aurait pu chanter Charles Aznavour. Je débutais ma carrière professionnelle comme éducateur et puis chef-éducateur au sein d’un Centre d’observation pour adolescents en crise ou délinquants. imaginons une institution jeune, bourrée de contradictions, dépourvue de projet pédagogique. En conséquence, ces jeunes de la galère, avec la rage – pour reprendre l’expression de François Dubet (1987) – cassaient tout tous les trois mois. nous avons connu notre nuit des longs couteaux (éducateurs pris en otage avec arme blanche), notre nuit de cristal (destruction de la grande verrière qui surplombait la cage d’escalier), la tentative d’incendie criminel sur quartier militaire (procès-verbal relatif à cinq jeunes qui se proposaient d’incendier un poste de gendarmerie), la tentative de suicide collectif, un jeune ou un éducateur évacués en ambulance, toxico-manie de groupe dans une cache souterraine où on mit le feu… Un gendarme de la brigade Diane (groupe spécial d’intervention) avoua préférer volontiers son métier au nôtre.
Pourtant, officiellement, la violence était interdite. En réalité, la mentalité psychosociale – sous prétexte que ces jeunes avaient souffert et qu’il fallait « les comprendre » – banalisait, laissant le champ ouvert à l’impunité et à la déresponsabilisation.
Paradoxe : parmi les quatre ou cinq éducateurs les plus agressés, des psy- chologues de formation 5 qui ne savaient pas dire non. L’adolescente, Marie-Ange, teste l’éducatrice noëlle. Elle arrache le plafonnage du mur. L’adulte – au 4 Je citerai un exemple. L’école sociale dans laquelle je travaille (institut Social Catholique de la Haute École Louvain-en-Hainaut) propose chaque année un programme de formation continuée. Partant du constat que la majorité des formations proposées sont orientées vers l’écoute et le psycho-relationnel, on suggère un module sur l’analyse stratégique et la sociologie des organisa-tions. On prend soin de relier la théorie avec la pratique professionnelle des participants. nombre d’inscrits : 6. Pour plus de 50 en « systémique ». L’année suivante, le module sera supprimé faute de participants.
5 Pas de préjugé de ma part vis-à-vis des psychologues, d’autres collègues non-psychologues de formation furent aussi agressés. il ne faut cependant pas confondre « écoute » avec « compré-hension » et « limites ».
lieu de s’interposer – laisse faire et se met à discuter avec la jeune : « pour-quoi tu fais ça, ce n’est pas bien, quel est le sens de ta démarche… ». Faut-il s’étonner si Marie-Ange la hait au point de simuler une tentative de meurtre au couteau ; question de me faire intervenir et surtout de lui faire peur. Le jeune adolescent, l’enfant, voire l’adulte cherchent des limites, des repères. Sur-tout s’ils se rapprochent de la figure de la galère, ils vont tester le système. Si l’adulte ou le professionnel ne se font pas respecter, s’ils ne savent pas dire non, ils ne seront pas crédibles, ils ne seront pas respectables. Le baratin de noëlle induit la rage de Marie-Ange : « question de la saigner un bon coup », disait-elle en frimant.
J’ai vu de nombreux collègues du Centre d’observation se faire agresser par les adolescents qui ne leur pardonnent pas leurs faiblesses, leurs hésita-tions. La sanction était alors redoutable : insultes, coups, humiliations (atta-chement au radiateur, attouchements.). Et pourtant, ces éducateurs agressés étaient bien intentionnés, gentils, sympas. Mais voilà, les jeunes sont deman-deurs d’adultes qui s’affirment, qui savent ce qu’ils veulent, qui se font respecter.
Au Centre d’observation, les psychosociaux avaient tendance à banaliser les comportements en justifiant la transgression de l’adolescent par un passé, par des souffrances, par des circonstances institutionnelles (par exemple la faiblesse d’un éducateur) ou familiales. Résultat, sur une période de dix-huit mois : 30 % d’exclusions d’adolescents, 10 % vont en prison suite aux diffé-rents « coups d’État », vingt-trois éducateurs quittent le centre, certains dans un état de santé mentale peu enviable. La maison était devenue criminogène : le comble.
Les règles, les limites sont nécessaires. Elles sont structurantes. Elles sont fondatrices de la personnalité et du « vivre ensemble » en société. On peut parler de la pose d’un cadre. On ne peut entrer dans le rapport social sans symbolique de la loi ou sans règles qui font sens. La symbolique de la loi sup-pose que ces dernières sont clairement établies et respectées. Dès qu’il y a dérapage, on intervient tout de suite et on gère le problème. Je fais l’hypothèse de ce que l’habitus professionnel des travailleurs sociaux et des psychologues les prépare bien pour l’écoute, mais – contrairement aux enseignants – dans une moindre mesure pour la loi et l’autorité 6.
il ne peut pas y avoir de sentiment d’impunité. Dans le registre de la loi, on doit, si nécessaire, accepter d’entrer dans un rapport de forces, dans un bras de fer, dans un jeu de pouvoir. C’est particulièrement vrai dans la culture de la rue, celle des bandes où l’on teste le faible qui deviendra vite victime de harcèlement, de violence ou de racket. Loin de nous le slogan de mai 68 : « il est interdit d’interdire ». On n’est pas dans du blabla, pas de dérives psy-chologisantes pour écouter le jeune et le laisser faire. Les idéologues « baba cool », pour qui dire non c’est brimer les jeunes dans leur épanouissement, qui se refusent à admettre des différences de statut, de rôle et de pouvoir, risquent de passer de très mauvais quarts d’heure. Au risque de devenir les victimes expiatoires de ces enragés devenus pour la circonstance des « babas jouisseurs ». On ne compte plus les groupes ou institutions travaillant avec les 6 L’enseignant doit gérer des groupes, si bien que positionner son autorité peut relever de « sa survie ».
adolescents qui durent fermer leur porte ou se restructurer parce qu’on les avait laissés faire leur loi.
C’est entendu, on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. La logique de la loi, la symbolique des limites ne sont pas nécessairement agréables. La sanction ne fait pas plaisir et il faut accepter de frustrer l’autre. ne pas faire comme cet expert qui se dit choqué parce qu’un Centre Public d’Action Sociale interpelle le Parquet suite à la violence subie par un professionnel de la part d’un ayant-droit. ne pas faire comme cet assistant social (toujours de C.P.A.S.) – qui par peur, cède devant l’usager qui exige une aide immédiate (et non légi-time) – créant ainsi un dangereux précédent, un appel d’air qu’il sera plus dif-ficile de contenir ; sachant aussi que l’agressivité de l’usager pourra aussi se reporter sur les collègues. ne pas faire comme tant de parents face à leur ado, pas vraiment convaincus, peu constants, qui changent d’avis en fonction des états d’âme, qui se sentent coupables de les frustrer. « Or, ne pas céder est la seule garantie d’être obéi. » Ces parents ne savent pas que la hiérarchie des règles socialise, en sépa- rant l’essentiel de l’accessoire, le négociable et le non-négociable. Et le respect de l’autre ainsi que de soi est non négociable (Dardenne, 2007) 7. On n’accepte pas une insulte, on réagit sur le champ ; ce qui n’empêche pas que l’autorité peut s’exprimer avec respect, bienveillance et autant que possible avec calme. « il n’y a pas de fermeté sans souplesse » (Yapaka, 2008). La main de fer peut s’entourer d’un gant de velours.
La règle ne suffit pas. Aussi claire soit-elle dans son énoncé, elle sera probablement testée – rien d’anormal en soi –, il appartient à l’adulte de se positionner, de rester ferme et cohérent sinon la loi devient caduque. D’une manière générale, nous ne devons pas accepter que l’on nous manque de respect. C’est entendu, la réciprocité est de rigueur. L’absence de réponse à une agression (cela peut commencer par un cri ou une insulte) peut supposer l’acceptation tacite de ceux-ci et donc ouvrir la voie à une possible escalade.
Pour entrer en culture, le futur homme doit accéder à la loi commune. Des psychologues ont évoqué la fonction paternelle qui trace des lignes directrices, qui pose le cadre et des limites, qui coupe le cordon ombilical. Les lacaniens relient la loi au désir, lien qui fait circuler l’énergie vitale.
’écoute
La loi doit être légitime. Elle ne doit pas apparaître comme arbitraire et unilatérale, si bien que l’écoute rétablit comme un équilibre, comme une réci-procité.
Selon nous, l’écoute se veut rationnelle et intuitive : tantôt langage de rai- son, tantôt intelligence du cœur (Goleman, 1997), concernant les deux hémis-phères de notre cerveau (gauche et droit), à la fois le cortex (la rationalité) et le limbique (les émotions).
7 Le contenu de ce paragraphe est largement inspiré d’un article qui reprend un entretien avec Laurence Dardenne.
Au sein du Centre d’observation, l’écoute avait tendance à se substituer à la loi. Pour reprendre la chanson d’Aznavour, nous dirons qu’il s’agissait d’une écoute bohème, décousue comme le relief et les lacets de la butte de Mont-martre 8.
Selon nous, l’écoute est à la fois empathique et authentique. Empathique dans cette aptitude métaphorique de pouvoir se mettre à la place de l’autre, de se montrer disponible, de capter le langage verbal et non verbal, de percevoir intuitivement le langage du corps (mimiques, gestuelle, tensions, transpiration, respiration, regard, soupirs, déplacements dans l’espace…). Authentique 9 dès lors que l’on est présent à l’autre dans l’instant, sans arrière-pensée, sans tri-cherie ou calcul et de manière accueillante. il y a comme du feeling dans cette écoute du cœur et de l’esprit, du respect inconditionnel.
L’écoute est aussi diagnostique pour comprendre la complexité qui se cache derrière les apparences : derrière les symptômes, les langages codés (comme la violence), les sentiments ou les émotions, les besoins sous-jacents (comme ceux décrits par Maslow dans sa pyramide), le non-conscient, l’impli-cite, l’invisible, le latent, les causes proches ou lointaines… Une assistante sociale est choquée, apostrophée, même déconcertée dans son système de valeurs lorsqu’elle constate l’arrogance d’un usager face au travailleur social chargé du contrôle/accompagnement à la « recher-che emploi ». « Après m’être fait chier à l’école jusque 23 ans, vous ne croyez quand même pas que je vais travailler jusqu’à ma pension ! » Son désarroi la pousse même à ranger le chômeur en question parmi les irrécupérables. Et pourtant, elle ne perçoit que la partie visible du comportement, ce qui se passe au rez-de-chaussée. Tandis que, pour comprendre réellement, on quitte les apparences et les évidences pour descendre au sous-sol : au – 1 pour interro-ger les causes proches et au – 2 pour sonder les causes plus lointaines. Pour-quoi l’usager se sent-il obligé de provoquer le professionnel (relation préalable, malentendu, contrôle social, autre…) ? Par-delà la provoc et le message de surface, quels leviers peut-on activer pour se brancher sur le projet, sur le sens de la vie (identité fière, estime de soi, ressources et compétences, aspirations cachées, absence de jugement, philosophie de la réussite, pensée positive, lien social…) ? Face à une telle complexité, nous appelons à la rigueur intellectuelle du praticien-chercheur (Cornet, 2002). Qui part d’une phase exploratoire de la réa-lité en vue de rompre avec ses croyances et ses préjugés (Quivy et Van Cam-penhoudt, 2006). Préjugés opérant comme autant de théories non conscientes pour déboucher sur une pensée hypothétique, sujette au doute bienfaisant et à l’exigence intellectuelle de vérification (Bachelard, 1976).
Un juriste de C.P.A.S. critique ses assistants sociaux « impressionnistes » qui font passer leurs impressions avant la rigueur des faits ; conduisant de la sorte à des décisions aberrantes. Les peurs, les intimes convictions, les intui-tions peuvent s’avérer mauvaises conseillères.
8 Montmartre à Paris, pour poursuivre avec la chanson la bohème de Charles Aznavour.
9 Authenticité, précise Marc Drèze du C.F.i.P., pour être soi, vrai, assertif, transparent, avec une cohérence entre le comportement, le sentiment et la pensée. Formation à l’écoute donnée à Char-leroi en 2005.
Cette écoute empathique et diagnostique se veut aussi interculturelle et interdisciplinaire. Elle est préventive et inscrite dans la ligne du temps.
Chercher à comprendre l’autre dans sa différence relève de la sensibilité interculturelle. Margalit Cohen-Emerique (1997) estime que la démarche inter-culturelle suppose de la décentration pour entrer dans le cadre de référence de l’autre. Au Centre d’observation, la plupart des éducateurs ne décodent pas la rage du jeune, ils ne comprennent pas sa culture ou sa logique d’action. Dans un contexte de formation continuée des enseignants, je me souviens d’une for-matrice en médiation qui faisait l’apologie d’une écoute qu’elle ignorait sélec-tive. Tandis qu’elle-même formait des enseignants à la gestion de la violence dans le cadre général du paradigme « psycho-relationnel », elle tombait des nues lorsque je lui expliquais que la pédagogie (inadaptée) pouvait induire l’agressivité. Elle faisait l’impasse sur la pédagogie comme – en tant qu’ex-perte en médiation – elle faisait l’impasse sur la médiation interculturelle. nous y sommes : pour comprendre l’autre, il faut le situer dans son contexte pluriel (culturel, sociologique, psychologique, sociopolitique). il importe de croiser les lectures avec une sensibilité interdisciplinaire ; si bien que nous aurons plus de chance de le comprendre au-delà du symptôme.
Cette quête d’écoute, préoccupée par le « pourquoi », c’est deviner que derrière un rapport à l’écrit difficile se cache une histoire, une intelligence qui souhaiterait s’exprimer autrement.
Quête d’écoute, pour sentir que derrière un comportement inadéquat, un langage peu sûr, se cachent des séquences de souffrance, de disqualifica-tion ou de désaffiliation. Derrière un geste maladroit, se cache peut-être une demande de reconnaissance. Derrière un comportement agressif, peut se lire la détresse humaine, voire un appel au secours. Derrière l’apparente désinvol-ture d’un « je m’enfoutiste » se niche quelqu’un qui a perdu confiance en lui et qui n’ose pas se suicider tout en aspirant – quel paradoxe – à réussir sa vie. Derrière le look malhabile de quelqu’un, devine-t-on les accidents de parcours qui ont marqué sa vie. Sa manière de manger chaotique traduit sa désorgani-sation. Derrière la désespérante passivité d’un « dépendant structurel » couve le feu des carences affectives de celui à qui on n’a pas donné sa juste place dans la famille ou qui a porté le bonnet d’âne à l’école. Derrière celui qui pense rater tout ce qu’il entreprend, quelqu’un qui n’a pas reçu suffisamment de res-sources en héritage. Derrière, derrière… toujours derrière… les préjugés et les apparences.
L’écoute suppose de prendre le temps : celui du lien social, de la relation, du dialogue. On entre de plain-pied dans la prévention. il est clair qu’il y a aussi dans cette prédisposition à écouter une stratégie relationnelle par rapport aux jeunes ou adultes « à risques ». Consacrer du temps à quelqu’un, lui accorder de l’importance conduit à établir du lien, à mieux le connaître, à le comprendre. Un jour j’ai interviewé Madeleine victime d’abus sexuels, de violence institu-tionnelle et de maltraitance (Dobbelstein et Pinilla, 1999). Cette femme hyper-vulnérable et hypersensible prononça septante fois le mot « comprendre » au cours des deux heures de l’interview. Celui qui a semé les graines de la pré-vention se préserve, si bien que les grands dérapages pourront être évités, même en cas de fatigue et de crispation.
Être à l’écoute, c’est donc tendre l’oreille vers les causes proches et loin- taines. On établit souvent, sans le savoir, le lien avec les couloirs du temps : on peut créer un appel d’air salutaire ou induire un coup de grisou. Lorsque l’adolescent en crise ou délinquant du Centre d’observation se met à casser ou à taper, il réagit certes en regard d’un conflit ou d’un déroulement sur le court terme, mais il règle peut-être en même temps ses comptes avec un passé plus lointain (concernant l’échec ou le décrochage scolaires, les crises et contradic-tions familiales, la pauvreté et l’exclusion, les maltraitances, le déclassement social…). On en revient à la métaphore du rez-de-chaussée et du sous-sol.
e sens ou la symbolique des possibles
Troisième point cardinal du « carré humaniste » : le sens. Certes, il est bien entendu partout. On le retrouve dans la logique de la loi et de la symboli-que des limites, dans le registre de l’écoute (empathique et diagnostique) et, nous le verrons, dans la recherche du collectif. nous lui attribuons cependant ici un statut particulier en ce sens que nous nous trouvons plutôt –chronologi-quement, méthodologiquement parlant – au stade de l’action, de l’opération-nel, de ce qu’on appelle dans le jargon du métier les objectifs spécifiques, les moyens, les outils… Quel sens donner à nos actions : celles du professionnel, de l’usager ou du partenaire ? En d’autres termes, qu’allons-nous faire ensem-ble ? Dans cette perspective, la loi et l’écoute ont préparé le terrain de manière proactive, dans une dynamique de projet.
Le registre de la loi offre un cadre de collaboration, comme un contrat for- mel ou moral qui propose des balises, des repères : parmi ceux-ci les interdits et des règles du jeu. il suppose un engagement auquel on se tient. Rappelons que le respect d’autrui constitue un impératif catégorique, un fondement non négociable.
L’écoute empathique et diagnostique resitue la personne dans son contexte socioculturel et historique afin de la percevoir plus globalement. Tel l’archéolo-gue, on cherche à comprendre par-delà le visible, les apparences et les symp-tômes.
Les pôles de la loi et de l’écoute ont en quelque sorte préparé le terrain pour le sens en action. On continue cette quête philosophique de traquer le sens. On sait que la violence est aussi un langage qu’il importe de décoder. La transgression a aussi un sens. Par-delà un comportement ou des émotions, on cherche les mobiles cachés, les besoins sous-jacents, la question de l’identité, les signes de reconnaissance… Derrière la rage des adolescents du Centre d’observation, se trouve la haine pour ses professionnels faibles et incohérents, mais aussi – comme le souligne François Dubet (1987) 10 – cette fameuse « perte de sens » et ce « nihilisme » dans un monde où ils sont du côté des perdants. Retour à l’ac- 10 Dans le pôle de la rage, le jeune se sent victime d’une société qui exclut, qui fait d’eux des per-dants. Leur violence dite « sans objet » répond à un sentiment de domination, avec la conviction que les dés sont pipés.
tion : le projet pédagogique que l’on peut concevoir ensemble ne peut faire l’impasse sur ces préalables.
il nous appartient par conséquent de traquer le sens sous toutes ses for- mes et avant tout de nous poser cette question fondamentale du sens de la vie. Je me souviens d’un tag écrit sur un mur de Saint-Gilles (commune populaire de Bruxelles) mentionnant le message : « une vie avant la mort ».
Traquer le sens, c’est aussi promouvoir une culture de la résistance pour débusquer les nombreux non-sens comme autant de violences symboliques ou d’« instincts de mort ». Combattre ces cultures de l’échec et de la stigma-tisation qui sèment l’errance et la délinquance de demain. Combattre cette culture de l’échec scolaire si forte en Communauté française de Belgique 11. Méfions-nous des étiquettes, même médicalisées, qui remplacent la personne par un stigmate réducteur. Cet enfant devient un hyperactif alors qu’il suffi-sait de le cadrer (Dardenne, 2007). Au Centre d’observation, les caïds (de fait ou fantasmés) avaient toutes les chances de devenir des « psychopathes ». L’étiquette remplaçait l’adolescent, induisant par la même occasion chez les professionnels des jugements, des peurs ou des dérobades. Le caïd avait ainsi toutes les chances de déconner et de confirmer le mal qu’on pensait de lui. nous l’avons vu, l’excès de loi (autoritarisme, formalisme pur, condescen-dance, refus de dialogue) peut conduire au non-sens pour l’usager et donc induire la fuite (sous ses multiples formes), l’agressivité ou la ruse (sous ses multiples formes). Dans le même ordre d’idées, l’excès d’écoute par omission des limites ou du nécessaire rapport de forces conduit aussi au non-sens et à ses conséquences.
En revanche, la recherche de sens va de pair avec le projet et les valeurs qui le portent. Le professionnel qui donne sens à son projet s’inscrit dans un processus en quatre temps : 1) analyse du contexte et connaissance de la problématique, perception des besoins, de la demande, choix des objectifs généraux ; 2) phase de l’action avec les objectifs opérationnels, les moyens mobilisés, les actions menées ; 3) l’évaluation sur base d’indicateurs précis en lien avec les objectifs annoncés ; et 4) la prospective sur base de l’étape précédente, afin de tirer des leçons pour l’avenir. La rigueur dans la gestion du projet n’empêche pas que l’usager devienne acteur, sujet de sa propre vie. il retrouvera ainsi fierté et estime de soi en s’émancipant 12. Accepter que l’usa-ger devienne acteur, c’est refuser le paternalisme des sauveurs : nous pou-vons symboliquement tendre une main – mais en dernière instance, c’est la personne qui décide de sa vie – si elle décide d’aller dans le mur, c’est son pro-blème. Les pédagogies de la participation s’inscrivent dans ce type de courant de pensée et dans cette philosophie de la responsabilité.
Dans la perspective lacanienne, le respect du sujet est situé dans l’incons- cient (lieu d’émergence du désir, espace de définition de soi et d’identité). Et comme, dans cette tradition, « le sujet a toujours raison », on cherchera à pré-server une image positive chez l’usager, qu’il ne perde pas la face par rapport 11 Un élève sur deux double en Communauté française à la fin de l’enseignement secondaire. Quel contraste avec la culture de la réussite de la Finlande. Voir à ce propos : « La Finlande est-elle le pays de l’école miraculeuse ? », le Soir, 28 avril 2004.
12 Émancipation ou volonté de s’affranchir, de prendre du pouvoir sur sa propre vie. Voir la distinc-tion entre émancipation et épanouissement, in Van Haecht (1985).
à lui-même ou vis-à-vis du regard des autres. En d’autres termes, pour éviter d’induire l’agressivité, ne jouons pas avec la fierté de la personne, avec son code de l’honneur. Dans certains milieux « machistes », ce type d’erreur, sur-tout en groupe, peut coûter cher. Donner du sens, c’est voir le positif derrière ce qui se donne à voir de négatif. Pour critiquer le sujet sur le plateau gauche de la balance, je dois remplir le plateau droit du positif (apport de ressources, projets, réussites). Pour reprendre la métaphore du lacanien Virginio Baio, « je peux donner une baffe à quelqu’un à condition de lui donner une chaise pour s’asseoir ».
Le travail du sens relève du systématique bricolage pour se faire compren- dre : qu’il s’agisse de traduire le langage complexe des institutions ou de la loi, de passer du code « intégré » (complexe et abstrait) au code « série » (simple et concret) des milieux populaires (Bernstein, 1975). Des usagers de C.P.A.S. sont devenus agressifs ou résignés à la suite du jargon incompréhensible de professionnels technocrates (Dobbelstein et Pinilla, 1999). Quand on décroche, que l’on ne comprend pas, que l’on ne saisit pas les règles du jeu, on peut en arriver à perdre son estime de soi et à s’installer dans un syndrome d’échec : « Je suis nul », « Je n’y arriverai jamais, à quoi ça sert ? ».
La recherche de sens – ensemble – relève d’un humanisme et d’une culture de paix qui font la part belle à la philosophie/pédagogie de la réussite. L’antidote contre le syndrome d’échec est son contraire. Voir d’abord le positif, croire a priori au « tous capables », selon l’expression du Groupe Français d’Éducation nouvelle. Croire en l’homme (en l’enfant, en l’adolescent), faire le pari d’une évolution positive possible, de son éducabilité (Prochazka, 1999). Évitons cependant la démagogie, pour l’éducateur, l’enseignant ou le profes-sionnel du social, faire réussir le plus grand nombre sans baisser de niveau est difficile si bien que nous sommes condamnés à travailler avec les autres et à ne pas interrompre l’incessant labeur de formation continuée.
À l’articulation des cultures de la résistance (nécessairement critique) et de la paix, vient se loger la quête de sens dans un continu va-et-vient entre rigueur et créativité. Rigueur dans la quête d’objectivité, dans le langage oral ou écrit ainsi que dans la gestion du projet. Créativité comme espace d’audace, de liberté, d’esprit critique et de plaisir. Pensée latérale qui prend la forme de la sanction éducative (pour concilier loi et sens), de l’humour, du jeu, de l’inven-tion de solutions, du lâcher-prise, de la fantaisie, de la négociation des possi-bles ou du croisement entre regards disciplinaires différents.
e collectif
Crise après crise, le Centre d’observation se vidait de son public : les juges de la jeunesse – on les comprend – se refusaient à placer des jeunes adolescents sur des sièges éjectables (fugues, exclusions consécutives aux conduites à risques et à la délinquance). L’institution était devenue crimino-gène. Le salut est passé par la mise en place d’un authentique projet pédago-gique cohérent, au sein duquel l’éducateur prenait sa place et son pouvoir en regard des psychosociaux, au sein duquel une autorité légitime était instituée et confirmée dans les faits. Désormais la loi ne se dilue pas dans une écoute larmoyante. Ce qui fit la différence fut la force d’un projet collectif qui confirma l’interdit de la violence en l’humanisant avec l’écoute et du sens.
Le projet collectif, l’identité collective font en sorte que les professionnels soient guidés par un horizon, par un langage commun. Or notre société est fon-damentalement individualiste et le travail social n’y échappe pas. Ses présup-posés, manifestes ou latents, sont avant tout psycho-relationnels. Cette vision dominante se coupe d’une perception réellement pluridisciplinaire dès lors que les disciplines du savoir plus ouvertement orientées vers les systèmes et le collectif sont négligées 13. Trop de professionnels décodent leurs réalités en se coupant des regards sociologique, pédagogique, politique, économique, juri-dique… Ce qui compte d’abord, c’est d’agir sur les symptômes et les individus isolés.
Je cite un exemple : depuis une quinzaine d’années, je donne régulièrement des formations consacrées à la gestion/prévention de l’agressivité et de la vio-lence. Des professionnels –notamment parmi ceux qui induisent les passages à l’acte – sont demandeurs de recettes qui, à la manière des médicaments, sont susceptibles de supprimer magiquement les symptômes. Qu’importe si l’on occulte les causes en ignorant si l’on a induit soi-même l’agressivité. Lorsqu’on propose à certains de comprendre la complexité invisible qui se cache derrière la violence, au fond d’eux-mêmes, voire même inconsciemment, cela ne les intéresse pas. Comprendre les logiques d’action de la galère, les contextes historiques et de vie des usagers, est considéré comme des dérapages théo-rico-intellos qui n’ont rien à voir avec la réalité. En clair, le paradigme psycho-relationnel ou le repli pratico-pratique sur le concret directement perceptible empêchent de situer la personne dans son histoire, dans son contexte sociolo-gique et culturel.
La méfiance vis-à-vis du collectif passe aussi par la peur des autres, par la peur des groupes. Par peur, par ignorance, beaucoup de mes étudiants se méfient des méthodologies de travail social de groupe et communautaire 14. Prendre la parole en public effraye. C’est tellement plus rassurant le face-à-face individuel ou la tranquillité de la vie des sous-groupes de pairs et des clans où on se sent en sécurité.
Le malaise des acteurs passe par les difficultés des actions collectives (Quivy, Ruquoy et Van Campenhoudt, 1989). Pour faire changer les choses, dans une institution, dans un quartier, dans une société, il faut pouvoir se réu-nir pour construire des projets communs. « L’union fait la force. » À propos de « culture des clans », on observe une forte corrélation entre celle-ci et la pra-tique assez systématique du « mur des lamentations », cortège des plaintes et verbalisations ininterrompues qui ne mènent pas au changement et qui, au contraire, contribuent à perpétuer l’immobilisme.
Réhabiliter le collectif, c’est aussi promouvoir le management participatif qui laisse une place active au personnel ainsi qu’à des usagers citoyens. C’est 13 L’analyse systémique échappe en partie à cette critique dès lors qu’elle tend vers une vision plus globale de la réalité en situant l’usager dans un système plus large : mais que l’on ne s’y trompe pas, il s’agit d’un regard avant tout psycho-relationnel à visée thérapeutique qui se coupe d’autres manières d’interpréter le réel.
14 Pour introduire aux méthodologies de groupe, voir Turcotte et Lindsay (2001).
valoriser le travail en réseau, c’est l’audace de travailler avec les contestataires et les gens différents. C’est se rappeler – à la manière d’Alain Touraine – que l’acteur social, celui qui coopère et s’affirme, se construit dans la coopération conflictuelle (Quivy et Van Campenhoudt, 2006).
Réhabiliter le collectif, c’est stimuler une culture de paix, mais tout en encourageant si nécessaire une culture de la résistance qui cherche à agir sur des causes au nom de l’intérêt général. notre monde, s’il devait s’en sortir, devra passer par là. C’est valoriser l’esprit critique en groupe, c’est rappeler aux couillons, aux opportunistes, aux ronds-de-cuir ou aux béni-oui-oui que l’institution c’est aussi nous qui la faisons même quand « on baisse son froc ». En termes sociologiques, on parlerait de la dialectique de l’instituant et de l’ins-titué.
Réhabiliter le collectif, ça peut être aussi encourager une pensée systémi- que, interculturelle, stratégique et sociopolitique. C’est oser entrer en projet, en confrontation constructive et en négociation pour tendre vers du changement social. C’est faire en sorte que les concepts de pouvoir, de groupe, d’action collective ne soient pas des tabous.
L’éthique du collectif passe par l’intérêt général, par le respect de valeurs humanistes authentiques sans les excès du culte de l’image et de la cosméti-que ou encore sans l’obsession de la concurrence. Je me méfie de certaines formes très subtiles de « capitalisme social » et de mimétisme larvé du monde des entreprises.
6. Une grille d’anal
yse pour la mise en projet
et pour prévenir la violence
Ce référentiel du « carré humaniste » – métaphore du pays aux quatre collines – est construit de manière inductive, en partant de l’expérience, des pratiques sociales, pour remonter vers la théorie. Celle-ci peut se muer en grille d’analyse pour lui faire subir l’épreuve des faits. En effet, peut-on réfléchir la pertinence de certains projets ou questionner des incidents critiques, des situations-problèmes pour passer à l’action.
Prenons l’exemple de la violence au sein des antennes sociales des C.P.A.S. des grandes villes, plus particulièrement au sein des quartiers sen-sibles qui cumulent les indices de paupérisation. imaginons un tableau qui reprend les quatre points d’attention du « carré humaniste » qui serait rempli à partir d’une situation-problème débattue collectivement.
Au niveau de la loi : comment cadrer l’usager et s’imposer le respect mutuel et quels gestes concrets poser en conciliant prévention et responsabilisation (éviter l’impunité et la banalisation) ? Au niveau de l’écoute : comment concilier intelligence émotionnelle et rigueur d’analyse, en situant la personne dans son contexte (y compris sociologique) ? Au niveau du sens : comment passer à l’action en rendant l’usager acteur, tout en l’humanisant (le gant de velours est au couple écoute/sens ce qu’est la main de fer à la loi) ? Au niveau du collectif : comment faire en sorte que la délibération en groupe permette la co-construc-tion de réponses cohérentes, partagées, intégrées et originales, si bien que l’équipe se construit des solutions solidaires et structurelles ? La démarche collective se veut « extravertie », ouverte vers les autres (les usagers, les col-lègues en ce compris la hiérarchie, les partenaires, le quartier, le cadre de vie) et à la diversité. En partant de la singularité de la situation et du contexte, le coaching collectif peut, le cas échéant, aider à dégager des pistes d’action, des réponses coproduites dans un esprit d’entraide, de langage commun et de cohérence.
il n’y a pas de fatalité à la violence, suffisamment d’études dans les écoles sensibles en France ont fait la démonstration que, pour une même population,
certains établissements ont enrayé la spirale de l’agressivité. or tous ceux qui
s’en sortent proposent, à leur manière, le « carré humaniste »
. Je pense en
particulier au Lycée professionnel Turgot à Roubaix 15. La loi et la symbolique
des limites sont mises en rapport avec une écoute empathique et diagnostique
pour décider, pour monter des projets en traquant le sens en permanence et
d’abord le sens de la vie. Toutes ces écoles s’en sortent avec un projet collectif
fédérateur inséparable d’un management humain et participatif.
Au pays des quatre collines, les travailleurs sociaux collaborent avec leurs usagers, avec des partenaires. ils contribuent à faire évoluer leurs institutions, se détournant des valeurs individualistes pour tendre vers un monde plus soli-daire. S’il le faut, ils interpellent les lieux de décision. Ces Sisyphe travaillent solidairement vers un but. ils possèdent l’antidote contre la dépression et ils n’ont donc pas besoin de prozac 16 (lequel se consomme toujours tout seul).
Bibliographie
BACHELARD G., 1976, la formation de l’esprit scientifique, Paris, Librairie scientifique
J. Vrin.
BERnSTEin B., 1975, langage et classes sociales, Paris, Éditions de Minuit.
COHEn-EMERiQUE M., 1997, « La négociation interculturelle, phase essentielle de l’inté-
gration des migrants », Hommes et migrations, n° 1208, p. 9-23.
CORnET J., 2002, « Devenir praticien-chercheur », Échec à l’Échec, Confédération géné-
rale des enseignants, mars.
DARDEnnE L (entretien avec), 2007, « Apprendre à obéir, c’est aider à grandir », la libre
Belgique
, 19 septembre.
DOBBELSTEin D. et PiniLLA J., 1999, l’accès aux droits et à la justice, Bruxelles, La
Charte.
DUBET F., 1987, la galère : jeunes en survie, Paris, Fayard.
GOLEMAn D., 1997, l’intelligence émotionnelle, Paris, Robert Laffont.
PiniLLA J., 1995, thèse de doctorat en sociologie : approches sociologiques du travail so-
cial : de la dépendance du champ aux alternatives
, Université Catholique de Louvain.
PiniLLA J., 2003, « Les dix péchés de la dame patronnesse », Pensée plurielle, n° 5.
15 nous avions visité cette école « modèle » il y a quelques années. J’animais à l’époque le groupe de concertation « école-formation » coordonné par le Centre Régional d’intégration de Charleroi (C.R.i.C.). Ce groupe fonctionnait à la manière d’une plate-forme rassemblant des profession-nels des services publics, de l’école et du milieu associatif. Le Lycée Turgot pratiquait le « carré humaniste » avec créativité : je pense notamment à leur projet d’inclusion en guise de sanction éducative.
16 Prozac, médicament antidépresseur qui dépassa le milliard de coût annuel pour la sécurité sociale belge.
PROCHAZKA J.-L., 1999, agir face à la violence, Paris, Hachette.
QUiVY R. et VAn CAMPEnHOUDT L., 2006, Manuel de recherche en sciences sociales, Paris, Dunod, troisième édition.
Quivy R., RUQUOY D. et VAn CAMPEnHOUDT L., 1989, Malaise à l’école : les difficultés de l’action collective, Bruxelles, Publication des Facultés universitaires Saint-Louis.
TURCOTTE D. et LinDSAY J., 2001, l’intervention sociale auprès des groupes, Montréal, Gaëtan Morin éditeur, Chenelière Éducation.
VAn HAECHT A., 1985, l’enseignement rénové, de l’origine à l’éclipse, Bruxelles, Les Édi-tions de l’Université Libre de Bruxelles.
Yapaka.be, 2008, Manuel de survie pour parents d’adolescents qui pètent les plombs, Com-munauté française de Belgique.

Source: http://cyberlearn.hes-so.ch/pluginfile.php/201299/mod_resource/content/0/Pinilla_Le_carre_humaniste_du_travail_social.pdf

choc.com

Neonatal Fungal Sepsis Care Guideline Recommendations/Considerations Inclusion Criteria: New onset signs and symptoms of infectionpresence of ventilator, & candida colonization. Duration of therapy Assessment Vital signs, cardiac/respiratory/neuro statusPresence of central catheters (inspect sites) and/or signs/sympt

calebuniversity.edu.ng

SYNOPSIS OF BIOCHEMISTRY COURSES OFFERED IN THE DEPARTMENT OF CHEMISTRY AND BIOCHEMISTRY BCH 201: GENERAL BIOCHEMISTRY I (2 UNITS) L:2 T:0 P:0 Principles of the chemical basis of life. The molecular basis of cellular structure – polysaccharides, lipids, proteins, nucleic acids. The cellular basis of life. Buffers, Acidity and alkalinity; pH and pKa values and their effects on cell

Copyright © 2010 Health Drug Pdf